Cette semaine, nous avons interrogé Christophe Lecomte , le fondateur de Inside Linkers. Inside Linkers accompagne des grandes entreprises, PME/PMI et start-up dans leur stratégie de communication (Corporate, Marque Employeur, Interne, Recrutement…) et leurs projets digitaux et e-RH (sites internet, solutions e-RH, applications mobiles, ATS, employee advocacy…).

inside linkers interview christophe lecomte

A propos de moi ?

Si je suis dans le monde de la communication et du marketing depuis près de 30 ans, je suis tombé dans celui de la communication des ressources humaines il y aura bientôt 20 ans. J’ai débuté ce parcours chez Universum, l’institut de sondage suédois, puis en agences (Mediasystem Publicis Group…) et en supports (Hobsons / Daily Mail Group, Groupe Studyrama…). Cette arrivée dans l’univers RH a été immédiatement un vrai coup de foudre. C’est devenu une passion avant d’être un métier. Pourquoi ? Parce que l’Humain est au cœur du sujet.

Depuis 2016 j’ai créé ma propre structure, Inside Linkers. Une agence qui regroupe un collectif de compétences et d’experts partenaires pour répondre aux problématiques de recrutement, de communication interne, de marque employeur, d’employee advocacy… Nous travaillons en immersion avec nos clients pour être au plus proche des équipes et gagner en efficacité et réactivité. Car vivre et comprendre l’entreprise en profondeur est essentiel. Une vision 360 qui permet de libérer la créativité et de débloquer le moindre problème.

Mon crédo, « Ça va bien se passer ! »

D’une manière générale, toutes les personnes qui me connaissent l’ont entendu au moins 1000 fois (j’imagine déjà tous les témoignages dans les commentaires :)). Je pense que c’est extrêmement important de se positionner systématiquement dans une démarche positive et constructive. Je vous invite d’ailleurs à découvrir Jacques Laub, conférencier suisse inimitable et intarissable sur le sujet de l’Attitude Intérieure Positive.

Dans le cadre d’un projet « Corporate », « Marque Employeur » …, cette attitude prend tout son sens. Elle permet d’animer, de gérer et co-construire avec les équipes chaque étape efficacement. Et dans le contexte actuel de crise sanitaire, c’est une évidence. Dans cet environnement particulièrement anxiogène cela me pousse à faire ressortir les signaux faibles et forts pour en tirer des pistes d’actions et de réflexions constructives.

Recrutement,  et covid19, quelles sont les leçons à en tirer ?

Deux manières de voir. Le verre à moitié plein ou à moitié vide. Maintenant que vous me connaissez un peu plus, vous imaginez facilement le positionnement de mon analyse : déduire du positif d’une situation difficile, tirer les leçons d’une expérience éprouvante pour progresser.

Les candidats actifs ont adopté les attributs des candidats passifs afin de parfaire leur projet professionnel et mieux définir leurs priorités

Durant le confinement, les candidats en ont profité pour parfaire leur projet professionnel et mieux définir leurs critères de choix. En parallèle, l’expérience qu’ils vivent vis-à-vis de leur employeur actuel dans la gestion de la crise aura fatalement un impact sur leur vision de l’employeur idéal. Ainsi, si 19%* ont vu leur perception de leur employeur s’améliorer, 29%* d’entre-deux en ont aujourd’hui une opinion dégradée.

Mais les candidats, s’ils sont devenus plus exigeants, ne remettent pas en cause leurs recherches : seuls 4%* des candidats pensent qu’il serait hasardeux de changer d’employeur. Dans la course au sourcing et au branding pour attirer les candidats, la Marque Employeur sera la stratégie gagnante, pour peu qu’elle soit réelle.

Si l’usage des réseaux sociaux en communication de crise a pu permettre aux entreprises de créer de l’engagement avec leurs publics internes et externes, cette approche va atteindre sa limite si les raisons d’y croire n’y sont pas associées.

Durant cette crise, de nombreuses entreprises ont rapidement compris que les réseaux sociaux permettraient de communiquer à la fois en interne et en externe. Une opportunité unique de parler à tous leurs publics (salariés, clients, partenaires, fournisseurs et candidats).

Cette prise de parole pour donner toute satisfaction a dû et devra respecter, dans les meilleurs des cas, les stades psychologiques et attentes des publics internes et externes :

 

  1. Stade de la stupéfaction(passage du stade 1 au stade 2) : la phase de prise de conscience, c’est à notre porte et l’inconcevable devient plausiblePrise de parole : l’entreprise communique sur sa capacité d’adaptation, les dispositifs de continuité de l’activité mis en place… Elle débute le remerciement des collaborateurs.
  2. Stade de sidération et quête de héros(stade 3 / début du confinement) : faire l’expérience de l’impensable, la perte de liberté et de capacité à agir. La quête de héros débute (métiers de la santé…).Prise de parole : l’entreprise valorise ses collaborateurs, les remercient et débute ses publications sur ses propres engagements. Elle souligne la cause des héros
  3. Stade de perte de valeurs et quête des coupables (confinement et ses prolongements) : aveuglement, incompréhension, interrogations… c’est le plongeon dans l’inconnue et des questions sans réelles réponses. La quête des coupables prend vie.Prise de parole : l’entreprise est incarnée rapidement par sa direction. Il faut rassurer et projeter les salariées dans leur rôle et celui de l’entreprise vis-à-vis de la crise. Il faut pérenniser l’entreprise. On multiplie les posts sur les engagements pris pour faire front au Covid19
  4. Stade espoiret désillusions (annonce et préparation au déconfinement) : cette phase transitoire qui donne de l’espoir est cependant rapidement dominée par le sentiment d’une première étape difficile et incertaine avant beaucoup d’autres. La crise va durer et nos vies ne reprendront pas un court normal avant longtemps.Prise de parole : un effet de saturation débute vis-à-vis des messages bienveillants très corporate. Faute d’une communication réellement participative, cette communication descendante atteint sa limite dans une période où la défiance vis-à-vis des informations et de notre capacité à affronter l’avenir s’accroît.
  5. Stade d’expérimentationet d’adaptation (toutes les étapes du déconfinement) : pendant cette période, nous allons vivre une nouvelle manière de vivre ensemble et de travailler. Notre vision du monde va en être bouleversée, notre survie en dépend. De nombreuses questions demeureront sans réponses, l’angoisse s’installera durablement avec l’absence de perspectives à court terme.Prise de parole : cette fois le discours descendant sera totalement à bout de souffle. Il faudra montrer et démontrer. La parole directe du collaborateur prendra alors toute sa dimension. Il y aura, pour les entreprises les plus agiles, une réelle prise de conscience de l’importance d’une stratégie d’employee advocacy réellement collaborative et participative.
  6. Libération: très attendu et pleine d’espérance cette dernière étape représente la fin universelle de la crise. Mais rien ne sera plus pareil. L’entreprise et la société auront vécu une crise profonde qui laissera des traces : l’exigence de preuves sur les valeurs de l’entreprise, l’impact sur la Marque Employeur, la quête d’un nouveau modèle de management, la volonté d’une reconnaissance des métiers invisibles, la nécessité de repenser « localement » les approvisionnements et la production…Prise de parole : les discours artificiels de « Marque » (corporate, produits, employeur) ne fonctionnent plus. Jugée et plus transparente que jamais, l’entreprise doit se réinventer, parler vrai et laisser les collaborateurs incarner la communication sur ses valeurs, sa vision et ses ambitions.

La crise du COVID19 va obliger les entreprises à réviser leurs valeurs et leur organisation pour aligner les discours et promesses avec les actes.

 

Avec leurs prises de parole dans la gestion de la crise, il est aujourd’hui plus facile pour les candidats de se projeter dans la culture et les valeurs des entreprises. Ils peuvent ainsi les comparer vis-à-vis de leur référentiel. Cependant, dans leur jugement de valeur une donnée clé manque. Bien souvent la parole donnée aux collaborateurs a été « réécrite » par le corporate. Les raisons d’y croire sont donc subjectives et soumises aux doutes. Les avis de salariés durant la crise sur les sites de notation vont également pondérer tous ces discours.

Trop longtemps les valeurs, les promesses et la culture managériale des entreprises étaient déconnectées de la réalité et du vécu des salariés. Nous étions dans le marketing des promesses alors que nous devrions être dans un marketing émotionnel factuel.

Aujourd’hui, pour l’ensemble des publics de l’entreprise (salariés, candidats, clients…), le réalignement est indispensable. Tout d’abord pour redonner du sens à l’ambition et la raison d’être de l’entreprise, ensuite, pour (re)créer de l’engagement durable.

L’omniprésence d’une communication descendante va faire émerger la nécessité d’une stratégie d’employee advocacy basée sur des influenceurs plutôt qu’uniquement sur des ambassadeurs.

Une fois le travail de fond sur les valeurs et la raison d’être effectué, l’entreprise devra basculer d’une communication descendante à une communication collaborative et participative.

En effet, la stratégie d’ambassadeurs mise en place par certains jusqu’ici va connaître ses limites. Si la crédibilité des publications partagées par ces salariés « ambassadeurs » s’est sensiblement améliorée, le manque de spontanéité demeure. Formatées par le corporate, ces partages ont bien souvent peu de valeurs émotionnelles et peuvent générer une certaine défiance vis-à-vis de la véracité de ces informations.

Aujourd’hui, c’est à l’entreprise de partager les contenus remarquables de ses salariés et non le contraire. Pour tendre vers une stratégie d’influenceurs, au-delà d’une approche plus collaborative dans le management du projet d’employee advocacy, cette stratégie devra penser à la dimension « participative ». Le flux des publications doit ainsi devenir bidirectionnel : des contenus corporate et des contenus proposés directement par les collaborateurs.

L’un des enjeux sera sans doute d’accompagner et de donner aux salariés un cadre (charte et formation aux réseaux sociaux), les moyens de les produire (veille, plateforme vidéo…) et d’assurer la visibilité et la mise à disposition de ces contenus pour en faciliter le partage.

Quant à la motivation, les facteurs de réussite d’une telle stratégie seront l’écoute, la mise en pratique du droit à l’initiative et la reconnaissance. De puissants moteurs d’adhésion et d’implication.

 

* enquête Hellowork réalisée auprès de candidats durant le confinement